DEMARCHE


En tant que sculpteur, le matériau qui m’attire en premier lieu est le bois. D’une grande diversité esthétique et mécanique, il est surprenant et exigeant, il requiert de s’y adapter, d’accepter ses contraintes, d’assumer les erreurs et de l’aimer tel quel. J’utilise parfois des éléments de bois victimes des conditions climatiques ou d’insectes xylophages, ils apparaissent alors comme blessés voire disgracieux. J’y vois un parallèle à l’être humain ainsi qu’un message d’universalité du vivant.
 
Je porte comme beaucoup un regard quelque peu désabusé sur le monde. Sculpteur du figuratif réaliste, je m’intéresse à l’humain et à son monde intérieur, à sa trajectoire en tant qu'individu mais également en tant qu’espèce, ainsi qu'à son rapport à son environnement naturel et technologique. Mes œuvres ont souvent pour point de départ une sensation désagréable que j’éprouve ou une vision qui survient, soit issue de ma propre laideur intérieure, soit en lien avec l’idée que je me fais de l’humain et de l’environnement qu’il façonne. Si je ressens parfois du mépris vis-à-vis de moi-même ou de l’autre, la compassion est également présente.
 
Dans ma pratique de la sculpture, j’aime le fragment de corps qui matérialise un instant ou une éternité, ouvre une porte sur un monde invisible, laissant ainsi place à l’imaginaire et à l’inconscient de chacun. Un voyage vers la condition humaine et le monde des traumatismes, des peurs, des souffrances, des contradictions, des choix irresponsables voire suicidaires, des espoirs irraisonnés. De ces atmosphères généralement obscures peut pourtant jaillir la lumière.
 
Je veux faire appel avant tout au ressenti inconscient et à l’expérience directe, qui selon moi sont les véritables leviers de l’émotion et du bouleversement intérieur. L’intellectualisation, si elle est nécessaire et utile, ne doit venir qu’en second plan car elle constitue difficilement l’élément fondateur du changement.
 
Les œuvres se veulent respectueuses du spectateur, tant du point de vue de la sincérité du thème abordé que de l’énergie déployée pour parvenir à une esthétique de qualité.  Ce que je livre, je le souhaite nécessaire mais surtout insuffisant. Je recherche un juste milieu entre l’explicite et l’implicite : assez intelligibles pour le spectateur afin de l’orienter vers un certain chemin de réflexion tout en respectant le prisme de sa conscience et ses interprétations. Certaines installations, en invitant le spectateur à contribuer à la vie de l’œuvre, le rendent enfin acteur, le mettant véritablement face à des choix. Lorsque je souhaite l’amener à s’interroger, je tente d’éviter l’écueil de l’attitude moralisatrice.
 
J’aimerais inviter le spectateur à emprunter un bout de chemin sur lequel il se perdrait. Pour peut-être se retrouver face à lui-même.